Roman Facerias-Lacoste, créateur du podcast Hôtel Gorgias, pour lequel il a reçu le prix Révélation parrainée par Radio France, va nous dévoiler les secrets de la réalisation de sa série, ses moments d’incertitude et son engagement envers la fiction sonore.
Bonjour Roman !
Bonjour !
Avant de commencer, parlez-nous de votre parcours professionnel…
J’ai un parcours dans le son, je suis initialement compositeur, j’ai beaucoup travaillé pour l’audiovisuel, à la création de musiques, pour le documentaire, la pub. Pour la création pure, c’est quelque chose que j’ai fait un peu plus tard. La composition musicale pour des projets plutôt de chansons et éventuellement aussi des musiques de film dans le documentaire principalement, ce qui a fait que j’ai pu exercer pendant quelques années avant de me réorienter plutôt vers la fiction et le podcast.
Je crois savoir qu’Hôtel Gorgias est votre première vraie fiction sonore. Quel a été l’élément déclencheur ?
Pour Hôtel Gorgias, l’élément déclencheur n’est pas du tout lié à la fiction. L’élément déclencheur de cette série, ça a été mon mariage. C’est assez assez particulier, assez singulier. Je me suis marié il y a un an, donc en octobre 2021, et ma famille m’a offert avec ma femme une nuit d’hôtel dans un établissement de luxe à Paris, avec des chambres très chères, un hôtel qui s’appelle le Majestic SPA Hôtel, et qui du coup proposait monts et merveilles en termes d’activités, outre le sommeil. Sauf qu’en arrivant là-bas, on était dans une période post-Covid, et on nous a annoncé un petit peu fébrilement que le spa, la piscine, les soins, tout ça était fermé. Donc je me suis posé la question simple : pourquoi payer aussi cher pour simplement dormir ? Et c’est là qu’est venue un peu l’idée de Gorgias, qui va surtout parler d’une expérience individuelle qui va avoir lieu dans un établissement de sommeil, donc un hôtel. Et donc, je me suis posé la question de quel type d’expérience chaque client pouvait vivre dans cet hôtel. Et j’ai opté pour une question qu’on se pose tous, à savoir que se passe-t-il après la mort ? Et c’est comme ça qu’est né Hôtel Gorgias.
Très bien… donc si j’ai bien compris, vous vous êtes cherché dans l’exercice du podcast ?
Il fallait trouver un angle d’attaque puisque je ne fais pas du podcast conversationnel, je fais vraiment de la fiction. À chaque fois, l’enjeu, c’est de trouver une bonne idée à raconter, une idée qui tienne en haleine. Et c’est devenu d’ailleurs par la suite mon processus de création, d’abord de trouver l’idée sans parler d’histoire, puis formuler tout un univers, des dialogues, créer des personnages autour de cette idée-là.
Et d’ailleurs, pourquoi le podcast ?
La raison pour laquelle je me suis uniquement dédié à l’audio, c’est que je n’ai aucune velléité de réalisateur vidéo. Je ne sais pas du tout me servir d’une caméra, je n’ai pas la prétention de savoir le faire, et pas l’ambition non plus. L’audio m’est venu parce que c’était plus simple pour moi et ensuite parce que je viens des métiers du son et que naturellement, en dehors de l’enjeu narratif, il y avait aussi l’enjeu technique qui me plaisait à explorer.
J’ai vraiment envie que vous nous parliez de vos différentes étapes de création sur l’Hôtel Gorgias ?
Pour cette série, le point de départ, ça a été cette anecdote, suite à mon mariage, et ensuite ça a été d’abord définir le format, que ce soit à la fois digeste et en même temps qu’il y ait assez d’espace pour développer. La série s’y prêtait, et même dans la série, il fallait choisir le minutage. Je me suis un peu rencardé. Ce qui me plaisait en tant qu’auditeur, c’était des formats courts, pas non plus concis, mais relativement digestes, donc le format douze quinze minutes me semblait parfait, et ensuite ça a été l’écriture. J’étais parti sur une série déjà en huis clos et puis surtout très intérieure, notamment en ce qui concerne le personnage principal, je voulais être d’abord schizophrène, il se parlait un petit peu à lui-même, à la manière de Fight Club par exemple. Et au fur et à mesure, après avoir fini la première version de l’écriture globale de la série, je me suis rendu compte que ce n’était pas vraiment très accessible, pas très transparent sur la compréhension de l’univers. Donc, j’ai décidé d’incorporer un autre personnage, qui en plus était féminin, puisque je m’étais affreusement rendu compte qu’il n’y avait pas de personnage féminin dans cette série…
Mais non !
Bah oui, des fois ça arrive, quand on écrit seul comme ça et qu’on ne demande l’avis de personne, on se rend compte qu’on fait des erreurs un peu idiotes. J’ai eu l’idée de décrire le personnage de l’autre rôle principal, qui est donc incarné par une femme, et qui a ce rôle en plus du nouvel employé de l’hôtel, qui va permettre à l’auditeur de se sentir un peu plus concerné par ce qu’elle vit. L’auditeur va comprendre, au même degré que ce personnage-là, ce qui se passe dans cet hôtel. L’écriture après, le façonnement de tous ces personnages, ça m’a permis d’aller un peu plus loin, facilement, sans trop me poser de questions. Et après il y a des sujets sensibles que j’ai étudiés, que j’ai soumis aussi à la relecture. J’ai demandé l’avis des comédiens qui travaillaient avec moi sur ce projet-là. Et ensuite, une fois qu’on a un peu validé les idées et trouvé les moyens de mieux les aborder, on s’est lancé dans l’enregistrement. Ce qui m’a permis aussi de réaliser cette série, c’est mon entourage, puisque tous les comédiens qui sont dans cette série sont, soit des comédiens professionnels, soit des comédiens de ma famille, des gens que j’ai pu solliciter sans trop négocier et qui ont été très enthousiastes à l’idée de participer à ce projet-là. C’était nouveau pour la plupart d’entre eux, puisqu’ils n’ont jamais posé de voix pour un projet uniquement sonore. Et donc, ça a été, on va dire, beaucoup de solidarité qui ont permis de créer ce podcast.
Souvent, les jeunes podcasteurs se posent beaucoup de questions sur combien ça coûte ? Est-ce que je vais avoir les moyens de lancer tout ça ? Vous aviez eu des aides ?
Non, aucune. Je n’ai pas démarché non plus. J’avais eu une mauvaise expérience de démarchage pour financer un projet qui avait été sans réponse, pour finalement rien du tout. Donc je me suis dit, celle-là, je vais la tenter tout seul, d’autant plus que c’était vraiment un moyen pour moi de faire ma vitrine, qu’il fallait que je montre de quoi j’étais capable, autant sur le point de vue écriture que sur le point de vue technique. Tout ce que j’ai réalisé, mixé, monté, etc. C’est vraiment moi tout seul, avec les moyens du bord, je réalise tout chez moi dans mon petit home studio qui me sert aussi sur mes autres projets professionnels. Après c’est sûr, ce sont des questionnements sur combien ça coûterait si je devais vraiment faire appel à un professionnel pour m’aider à polir les angles, vraiment approfondir le mix. Ça, ce sont des chiffres qui peuvent rapidement atteindre plusieurs centaines d’euros sur des petites parties, pour la plupart. Rien que quand on parle de mastering, cela veut dire vraiment le rendu final du projet. Cela aurait pu me coûter 500 € par exemple, et ça ne m’a rien coûté parce que j’ai décidé de le faire moi-même. Les questions qu’on se pose quand on lance un projet sont hyper légitimes. Avant de se poser la question de combien ça va me coûter, il faut essayer de voir si dans son entourage, on n’a pas quelqu’un qui serait prêt à nous aider. Dans beaucoup de projets qui se lancent, c’est le cas. Il y a beaucoup de gens qui ont la chance d’être entourés au moins d’une ou deux personnes qui pourraient prêter main forte. Ça a été mon cas, mais dans ce cas de figure, avec Hôtel Gorgias, j’ai préféré tout faire tout seul, déjà pour gagner du temps, et aussi pour me prouver ne serait-ce qu’à moi-même, que j’étais capable de le faire.
Oui, bien sûr, il me semble que vous avez eu un coup de bol sur la promo, non ?
Oui, c’est vraiment un coup de bol. Je suis allé sur Ausha, j’ai posté mon premier projet Hôtel Gorgias chez eux, avec tous leurs outils ça m’a permis de faire des newsletters, et avant le lancement du projet, j’ai essayé de faire ça comme un vrai professionnel, j’ai d’abord envoyé à tous les mails pros, dans le métier du son ou des médias que j’avais, deux semaines avant la sortie du projet, et j’ai par hasard de circonstance rencontré par internet, pas en physique, le rédacteur en chef du Pod Magazine, Monsieur Philippe Chapo, qui a été touché par mes sollicitations. Du coup, ils ont accepté de diffuser dans leur newsletter le lancement de la série, et je pense que grâce à cette newsletter, j’ai attiré l’attention de France Inter et notamment à l’époque Feu, l’émission Popopop et Charline Roux, qui ne m’a pas du tout demandé l’autorisation (mais je ne lui en veux pas), et qui à diffusé la bande-annonce du projet à l’antenne en direct, ce qui a fait exploser les écoutes dans les cinq premiers jours du lancement.
Trop bien. Et alors ? Du coup, c’est quoi, l’objectif final ?
Bon, Gorgias, c’est une première page qui s’est tournée récemment avec l’obtention du prix Révélation au Paris Podcast Festival, ça m’a permis de mettre un pied dans la porte, donc c’est plutôt sympa et assez rassurant d’avoir au moins de grandes instances, comme Radio France, qui sont prêtes à écouter des propositions que je pourrais leur faire. La suite, c’est éventuellement de tourner une saison deux de la série Hôtel Gorgias, de développer des projets sur le même univers, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Mais n’empêche que je souhaite aussi vraiment me diversifier, être disruptif comme on dit dans le milieu professionnel, et du coup développer d’autres idées que j’ai en tête et c’est là que dans les projets qui sont en chantier à l’heure actuelle, j’ai des coproductions en cours. Le marché est en train de s’ouvrir à ce niveau-là, et il y a plein d’acteurs qui veulent se positionner. J’avais été démarché par une société qui m’a demandé de créer un projet pour eux. Et puis à côté de ça, j’ai des idées que je développe pour essayer de les proposer à qui voudrait bien les prendre, des sujets divers et variés sur la vulgarisation notamment. Ce sont des projets qui vont, à mon avis, éclore en 2023. J’ai également d’autres projets personnels qui sont aussi en finalisation et qui devraient arriver la même année.
Merci Roman !
Merci aux Artisans du Podcast !