193 millions de podcasts français ont été écoutés dans le monde au cours du mois de septembre, en majeure partie des replays et des programmes radio. Un chiffre qui montre que le podcast ne cesse de s’imposer dans notre quotidien, alors que l’aide financière publique aux créatrices et créateurs de podcasts reste insuffisante. Pour cette sixième newsletter, nous recevons Candice Smadja dirigeante d’AOC Production et membre trésorière au sein du Syndicat des Producteurs Indépendants Audio.
Bonjour Candice
Bonjour Isabelle.
Vous dirigez les studios AOC Prod et vous avez co-fondé l’agence de podcast Troop. Vous avez pu voir la montée en puissance du podcast dans le monde de l’audio, un secteur où la concurrence est féroce. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il est nécessaire d’avoir pour se démarquer ?
D’abord, ce que je constate, c’est que nous sommes de plus en plus nombreux et ça, c’est une super nouvelle. Ça veut dire que le podcast séduit et que le marché est là. D’ailleurs, nous voyons des agences de prod de podcasts fleurir un peu partout en France. En parallèle, on a 16 000 agences de com’ en France et celles qui se distinguent sont celles qui proposent des services innovants, celles qui font des propositions effectivement différentes. C’est pareil dans le podcast, il y a de la place pour tout le monde tant que vous ne faites pas comme tout le monde. Donc c’est indispensable de se démarquer et d’avoir son style, d’affirmer son style. Et puis vous savez ce qu’on dit, la première qualité du style, c’est la clarté.
Le Ministère de la Culture a mis en place un observatoire du podcast et de la création audio. Vous pouvez expliquer ce projet ?
Alors, premier point, c’est que le podcast est la seule industrie culturelle sans aide à la création ni crédit d’impôt. Le cinéma a le CNC, la musique a la SACEM, il n’existe rien pour le podcast. Deuxième point, le Ministère de la Culture a fait deux appels à projets, mais dédiés uniquement aux auteurs et non à la production. Soit, donc c’est à peu près deux fois ces mêmes deux enveloppes de 500 000 €, une en 2021, une en 2022. Initiative que je salue d’ailleurs.
C’est certainement une première étape importante pour l’économie du podcast français. Mais est-ce que vous trouvez cette aide suffisante ?
La première mission de l’Observatoire du podcast sera de faire un état des lieux du marché du podcast. Qui gagne quoi, qui fait quoi, qui écoute quoi, pour ensuite structurer l’industrie, comme harmoniser la mesure d’audience par exemple, et pour ensuite la soutenir.
Vous qui êtes membre et trésorière des Producteurs Indépendants Audio PIA, est-ce qu’il serait temps de soutenir la production ?
Oui. Pour les autrices, c’est un très bon tremplin pour produire son podcast parce que vous n’empochez pas les 500 000 €. Et oui, ce sont environ 100 projets qui empoche, entre 3 et 5 000 €, mais budget insuffisant pour produire son podcast et le médiatiser. En moyenne, l’autrice représente à peu près 10 % d’un devis, vous le savez, vous savez comment ça fonctionne, donc il faut trouver des sous pour les 90 % restants. Et c’est bien nous, producteurs de podcasts, qui portons le risque. Quand vous réalisez un album de musique, un film ou un clip, des subventions existent, mais il n’y a rien pour le podcast.
Concrètement, quelle est la mission du PIA ?
Nous avons fondé le PIA en 2019 et aujourd’hui, c’est une trentaine de membres et pas que Parisiens. La première mission, c’est de fédérer les producteurs indépendants autour de sujets communs, et c’est surtout être actif dans l’interprofession, échanger, débattre, faire avancer des sujets concrètement, comme par exemple les aides à la création. D’ailleurs, je serai présent dans le groupe de travail de l’Observatoire du podcast en tant que membre du bureau du PIA.
Aujourd’hui l’audio explose, 82 % des Français écoutent du contenu audio tous les jours. Comment expliquez-vous cette augmentation constante d’auditeurs ? Vous pensez que l’audio peut dépasser la vidéo ?
Nous avons vu il y a quelques jours que le podcast a dépassé la radio aux États-Unis, et cela en seulement huit ans. On écoute de plus en plus d’audio digital, c’est un fait. En France, c’est 58 % d’investissements de plus en 2022, donc c’est un fait important. On est clairement sur encore une croissance à deux chiffres et l’audio est une respiration face à l’image, c’est certain. L’audio peut-il dépasser la vidéo ? Moi, je suis convaincue que la création doit s’exprimer à travers différents formats pour satisfaire un public de plus en plus exigeant. Nous, producteurs et créatifs de podcast, avons cette responsabilité d’être exigeants dans ce que nous proposons, et je pense vraiment que le progrès naît de la diversité.
Pour finir, qu’espérez-vous pour le monde du podcast ?
Déjà, on a passé la colline de l’évangélisation. Les marques intègrent le podcast dans leur stratégie. Les audiences grandissent. Je pense qu’on a effectivement une marge de progression sur certaines cibles notamment, pour le monde je ne sais pas, mais pour la France, j’entends des auditeurs qui sont en attente de fictions notamment, on veut écouter du cinéma, de la diversité, des podcasts conversationnels, mais aussi des documentaires. Il y a encore des formats audio à créer et des sujets à explorer. La France a un fort pouvoir de création. Utilisons-le.
Et bien, merci Candice,
merci Isabelle, avec plaisir.
Isabelle Albohair-Benel
Excellent podcast pour comprendre le marché du podcast ! Très instructif et clair, je vous le recommande vivement !